Les corps intriqués...

//Carine

Pierre-Yves… comment vas-tu?

je rentre aujourd’hui d’Afrique, matinée à Johannesburg puis l’avion pour survoler tout le continent africain et le retour.

Je ne suis plus très sure de ce que je suis venue chercher ici, sinon s’éloigner du bruit. Sans doute que parfois c’est plus simple: se laisser guider, se laisser être enseigné, être “enseignable”, ne pas vouloir déjà savoir.

Oser ne pas se rassurer.

Et toi, en quoi as-tu confiance?

J’imagine que toi et moi toute notre vie nous serons des étudiants du vivant, des explorateurs de l’aventure d’être, avec ses méandres, ses détours, ses impossibilités, sa folie.

be water

On dit que l’eau a une mémoire. Qu’en est-il de la Lumière?

Se rappelle-t’elle d’elle même?

De sa destinée en ligne droite, onde et ondulations, fréquences, vibration, résonance…

Nous sommes musique. Nous sommes conscience. Nous sommes la mémoire de nos os, nous sommes la somme des parts individuelles et à la fois l’individu modifié d’appartenir au tout.

be water…

luv

c

Brain Drain

//Pierre-Yves


Carine, avec toi, il y a toujours ces coïncidences, ces hasards, ces synchronicités magnifiques.

J’étais justement avec Zac ce matin, à regarder une carte de l’Afrique. Je lui ai dit, “tu vois là, tout en bas, c’est là qu’est Carine”. Il m’a immédiatement répondu, “mais, ça veut dire que je vais plus la voir?”. Je lui ai dit que tu allais certainement rentrer, mais je ne savais pas quand. Et bien, il a sa réponse.

“Sans doute que parfois c’est plus simple de se laisser guider, se laisser être enseigné, être “enseignable”, que de vouloir déjà savoir.”, dis-tu.
À mon avis, c’est non seulement plus simple, mais c’est surtout le seul chemin possible.

Pour moi, les gens qui pense déjà savoir sont au mieux plus ignorants qu’ils ne l’imaginent, et au pire dangereux.

Tu me demandes en quoi j’ai confiance. Tout simplement en mon ignorance.

Oui, nous sommes mémoire, et c’est cette mémoire qui d’une certaine manière rend possible la conscience.

J’ai entendu cette idée récemment: “le plus mystérieux est que nous n’avons pas de mémoire du futur”. Ce sont les mots de l’astrophysicien Marc Lachièze-Rey, qui explique la théorie de la relativité d’Einstein, dans une interview sur le temps.

Le passé, le présent et le futur existent simultanément. Le temps (tel que nous le concevons) n’existe pas. Ça a l’air complètement perché, et pourtant, nous faisons tous au quotidien l’expérience de cela quand nous utilisons des GPS. S’il n’y avait pas de calculs de correction prenant en compte la relativité du temps (tout sauf universel donc), ces outils seraient inutilisables, car complètement dans les choux.

C’est incroyable ! La belle ignorance ! Une révolution à tous les nivaux comme celle-ci, le temps n’existe pas, de manière vérifiée, et les humains ne l’ont pas encore saisi ?! Moi ça me scotche.

Tout autant que de savoir que la lumière porte en elle une mémoire, la mémoire des temps primordiaux, du “big bang” (et peut-être même de l’au-delà - du dit “big bang”, soyons fous, nous ne sommes certainement pas au bout de nos surprises).

Soyons l’eau, la terre, le feu, l’air. Soyons tout cela et plus encore. Complètement, pleinement, radicalement, joyeusement, follement.

De la chaire et des os, et de la poésie.

//Carine

…la femme se met à hurler: “j’en ai marre! c’est toujours comme ça, c’est parce que je suis noire! j’en ai marre! tu me contrôles combien de fois? j’en ai marre!”

elle fait scandale…

Tout le monde est mal à l’aise, nous, les autres corps qui sont là, tous des blancs. Sagement assis dans notre avion.

Elle a raison, bien sur.

Regarde, le centre ville de Joburg, les tours, gratte-ciels, la skyline de cette ville incroyable, bâtie sur la fièvre des chercheurs d’or, de l’extraction du charbon et de l’apartheid.

Une somme folle de violence, de racisme et d’avidité pour fondations.

Et pourtant la ville pulse, vibre, son coeur bat en ses rues, en sa véracité, rien ne somnole, elle est un corps en alerte.

On dit d’ailleurs d’elle qu’elle est comme le grand requin blanc, qu’elle a son assurance et sa force dangereuse mais aussi qu’elle meurt si elle s’arrête, et tout semble bouger, tout le temps.

Les quartiers changent, les strates d’histoire se superposent.

Le centre ville désormais déserté par les commerces et les entreprises fait la place aux défavorisés.

Les tours des gratte-ciels aux fenêtres explosées abritent des vies précaires, les gangs, les sans-abris, la misère mais surtout la vie.

Une anarchie qui réclame les ruines de la modernité pour en faire des lieux du vivant, envers et contre tout.

Ces tours immenses, Babels plurielles, grouillent d’existence en lieu de l’aseptisé capital.

La vie toujours invente. La vie sera toujours la vie. Elle ne peut être qu’elle même, et c’est elle qui va vers le de-venir.

Forward. Venir de..

Mémoires du futur, je me rappelle.

On ne doit pas oublier l’impardonnable, responsabilité de l’instant.

Le temps n’existe pas, l’Histoire pourtant.

Ps: stp dis à Zac que je me réjouis de le voir? on fera des crêpes?

https://youtu.be/loFDn94oZJ0?si=XDNij_4a-bvw65jU

Call your mother”

// Pierre-Yves 14.04.25

“La vie toujours invente”, et comment ! Depuis 4,5 milliards d’années que la terre existe, on peut dire que la démonstration est magistrale.

Et le mystère persistant de son apparition.

Qu’en penses-tu toi ? Elle de-vient d’où ?

Moi je suis d’avis qu’il faut imaginer les choses de manière cyclique. Des cycles passé-présent-futur évolutifs et infinis, dans ce temps qui n’existerait pas. Ça fait tourner la tête.

La science tend aujourd’hui à confirmer les intuitions/savoirs ancestraux.
Le savoir peut être intuitif, nous l’avions oublié.
Trop longtemps obsédés par les préceptes d’une science positiviste à outrance, entièrement orientée vers le chiffre, le quantifiable, l’observable, la matière.

À trop étudier la matière, on en arrive au matérialisme, si l’on n’y prête pas attention. Et on ne réfléchit plus qu’avec une moitié de cervelle.

Les grands artistes sont capables de comprendre ce qui les entoure de manière intuitive avec une finesse saisissante.
La logique, la raison rationnelle, te mène de a) à b). L’imagination, elle, te propulse partout.

Bob Marley, en voilà un qui était connecté, un sensible au monde qui nous raconte son époque, avec un temps d’avance.

Je te partage LE concert qui, moi, me transporte à chaque fois (spécialement Heathen à 36:42). J’aurais rêvé être un de ces spectateurs.
Mais j’avais 3 ans et demi le 11 mai 1981. Et je me souviens de bribes d’une discussion d’adultes au moment de sa disparition. C’était autour d’une table, à l’ombre des arbres par un jour ensoleillé.
C’est un de mes premiers souvenirs d’enfant en fait.
Mon père qui, sans être fan de sa musique, disait combien cet artiste avait marqué son temps.

Douce mémoire de mon histoire, qui s’inscrit dans l’Histoire. Si le temps n’existe pas, l’Histoire elle est indéniable. Pour les humains, il est impossible de s’en extraire. Tout comme de se soustraire à la mort.

Mais la mort n’est probablement pas la fin, c’est ce que je crois, ce que mon cœur m’enseigne, porté par les intuitions/savoirs ancestraux.

Et pendant ce temps mon cœur saigne, à chaque perte et face à chaque injustice.

Le temps n’existe pas, et pendant ce temps, je n’en suis pas moins incarné ici et maintenant.

Dans ce monde ici et maintenant si désespérant. Un monde à la croisée des chemins.